Pour les

Fraternités

Un petit commerçant.

 Il n’y a qu’un petit groupe d’hommes à cette retraite qui se déroule à Saint Joseph Les Mées dans les Basses-Alpes. 

Parmi les retraitants se trouve un homme, jeune encore. Il dirige une petite usine dans le midi de la France. Très épris de plaisirs et de fêtes ; il était toujours le premier pour préparer de nouveaux bals, de nouveaux amusements. Depuis quelques semaines ça ne va plus ; une grosse peine sentimentale. Un retraitant à peine connu, (relation d’affaires), auquel il s’est ouvert de son désarroi et de son dégoût, lui a conseillé plusieurs fois de faire la retraite. « Mais qu’est-ce donc que cette retraite ? » – « Cela ne s’explique pas, faites-moi confiance, c’est le salut…vous verrez ! ».

Il s’est enfin décidé, il est là, curieux, attentif, intrigué. Il ne sait rien de la religion mais il est intelligent. Il comprend vite. Il est prodigieusement intéressé. Les deux premiers jours furent quand même pénibles. La conversion est toujours douloureuse, il a tellement souffert ces derniers mois ; un peu plus, un peu moins. Puis, si c’est la condition du salut… ça vaut la peine de souffrir encore un peu. Il analyse ses sentiments, ses impressions ; que c’est étrange, d’un côté cette souffrance véhémente qui mord sur l’âme, de l’autre cette sorte de joie, de pré-joie plutôt… cette attente indescriptible, cet appétit devant cet enseignement si neuf, si merveilleux.

Si c’était vrai !

L’exercice appelé le Principe et fondement. Optimisme chrétien… si c’était vrai ! Quelle planche de salut ! Quel rebondissement à la pauvre aventure de ma vie que je croyais ratée, gâchée, finie… La « première semaine » des exercices lui fait comprendre beaucoup de choses. Et d’abord lui fournit l’explication de la souffrance, de sa misère, de celle des hommes.

Confession, quelle libération et quelle légèreté ensuite ! Communion, quelle entrevue ! Joie, pleurs de joie ; lumière, pleine lumière. Jamais dans le passé il n’avait connu une telle plénitude.

Un homme neuf

Les trois derniers jours lui parurent bien courts. De nouvelles lumières et des joies plus grandes s’ajoutèrent aux précédentes. C’est un homme nouveau qui repartit à la fin… un homme neuf, pourrait-on dire, rajeuni, rayonnant. Au retour, comme le raconte le tract « puissance et actualité d’une œuvre », apostolat vibrant. « J’ai trouvé, disait-il, le plus incomparable trésor qui se puisse imaginer ». C’était au mois de mai, ce noceur invétéré fit l’admiration de toute la paroisse par son assiduité et son recueillement aux exercices du mois de Marie.

C’est l’Bon Dieu qui m’a fait voler ma valise…

Au retour du service militaire… il faut bien se débrouiller quand on est seul !… Il avait emprunté un peu d’argent pour se procurer de la marchandise, et, depuis, il vendait dans les foires, si nombreuses dans sa région du centre de la France ? Ça marchait, il avait remboursé son emprunt et en quelques mois, il avait réussi à se faire un joli petit capital, entièrement constitué en objets de toilette : peignes, lames de rasoir, savon, etc…Tout cela rangé dans une grande valise, qui ne le quittait pas et qui lui servait d’étalage pour la vente.

Il faut bien vivre

Un jour, dans une gare, pendant qu’il prenait son billet pour se rendre à une foire, on lui vola sa valise… et sa petite fortune… Il est d’abord comme écrasé, anéanti devant une pareille ruine. Puis… il faut bien vivre ! avec le peu d’argent qui lui reste, il achète quelques pneus à Clermont Ferrand et va les revendre dans le midi. Il n’aurait pas voulu se livrer au marché noir, mais il faut vivre ! La vente achevée, il fait ses comptes. Désastre ! Lorsqu’il a ôté de son petit bénéfice ses frais de voyage et de nourriture, il se trouve en déficit. Désespéré, il se rappelle alors qu’il a un Père au ciel…et une Mère !… Il entre dans une église. Sa prière terminée, sentant le besoin de se « dégonfler » dans un cœur compatissant et de recevoir quelques conseils, notre jeune forain va trouver le vicaire. Celui-ci, un retraitant, trouve aussitôt le remède : « Vous, je vois ce qu’il vous faut !… Il faut que vous alliez faire une retraite, les Exercices de St Ignace ! » – Mais qu’est-ce que c’est que les Exercices de St Ignace ? Le vicaire lui explique de son mieux. – Mais comment voulez-vous que je fasse ce voyage ?… Il me reste tout juste mille francs !… – Ecoutez !… Nous avons un jeune homme qui est arrivé hier soir des Mées… il est « gonflé à bloc ». Voici son adresse… Allez le voir… Puis revenez. On vous fera manger et on tâchera d’aviser.

Il consacrera son dernier billet pour aller faire une retraite…

Le jeune retraitant de la veille fait tant et si bien qu’il communique son enthousiasme au pauvre forain ; c’est décidé, il consacrera son dernier billet de mille pour aller faire la retraite.
Semaine splendide, joie… larmes de joie… Tout s’illumine. L’avenir lui-même s’éclaircit : le forain n’en a plus peur. « Chercher d’abord le royaume des cieux et sa justice, tout le reste vous sera donné par surcroît ». Il a la foi en la divine parole. Il ne doute plus que Dieu ne soit assez puissant et assez bon pour le tirer d’embarras.
Et avant de partir, il nous confie avec un bon sourire : « Vous savez, mes Pères, je comprends maintenant : C’est le bon Dieu qui m’a fait voler ma valise !… Pour que je vienne ici… Et j’en suis bien content ! »

Adolphe-le-Rouge

« Tiens ! Mais où étiez-vous passé, Monsieur Bernard ? On ne vous a pas vu de la semaine. »
Au retour de sa retraite, notre ami, commerçant-forain, regarde un moment le voisin qui l’interpelle ainsi et qui vend, comme lui, à l’étalage, sur le Cours de la grande ville. C’est Adolphe, l’homme aux idées avancées, Adolphe-le-rouge qui vient de l’interroger.

Dans ce couvent, j’ai trouvé trois choses

« Devinez où je suis allé ? … Dans un couvent… ” Adolphe sourit en coin…  – “Oui ! Dans un couvent, et durant toute la semaine, j’ai mené la vie des moines ! » – « Heu ! … si ça vous plaît… Chacun prend son plaisir où il le trouve ! … Moi, ça ne m’intéresse guère… » – « Adolphe ! Deux mots encore pour terminer ce sujet… Dans ce couvent, j’ai trouvé trois choses : premièrement la paix du cœur… deuxièmement la joie de l’âme… troisièmement l’absolue certitude qu’après la mort… il y a Dieu ! … »

Ces 3 phrases tournent dans ma tête

Quelques jours plus tard c’est au tour d’Adolphe de disparaître. Sa femme vient avertir : « Mon mari est gravement malade ! » et se tournant vers notre ami : « Monsieur Bernard, il désirerait vivement vous voir ! … »
Son travail achevé, Monsieur Bernard file chez Adolphe. Peut-être pourra-t-il faire un peu de bien… Ne déclarait-il pas quelques jours auparavant, avec une conviction émouvante : « Moi, depuis la retraite, l’apostolat m’est devenu comme nécessaire ! » – « Alors, mon pauvre Adolphe… comment ça va ? ” – « Ah Monsieur Bernard c’est vous que j’attendais ! Vous vous rappelez, n’est-ce pas, ce que vous m’avez dit au retour de votre couvent ? Eh bien, ces trois phrases, elles sont toujours là, dans ma tête. Elles ne me quittent plus. Le jour et la nuit, votre réponse travaille dans mon cerveau ; dans ce couvent j’ai trouvé trois choses ; la paix du cœur, la joie de l’âme, la certitude de l’au-delà. Et parfois j’ai comme envie de pleurer. Voilà ce que je voulais vous dire, Monsieur Bernard. “

Ma petite femme il faudra que tu ailles au bon Dieu, toi aussi

Notre ami est revenu voir Adolphe. Ses confrères de Saint Vincent de Paul viennent aussi. Ils entourent le grand malade de soins délicats et affectueux. Aussi un soir, il n’y tient plus ; « jamais je n’aurais pensé une chose pareille ; mes amis politiques ne se sont pas dérangés et l’aide généreuse et l’affection me viennent du côté où je ne l’aurais jamais attendu ! Monsieur Bernard, je voudrais aussi comprendre les trois choses que vous m’avez dites et je vous demande de faire venir un prêtre… »
Pendant quelques semaines, Adolphe est tout à la joie d’avoir retrouvé sa foi et son Dieu. Et comme maintenant il comprend les trois choses de l’ami Bernard !
Le mal empire, mais les communions se font plus fréquentes. Puis, comme son cas devient très grave, ses nouveaux amis, réussissent à le faire entrer à l’hôpital catholique où il demande à communier chaque matin. Son état est maintenant désespéré, mais sa joie et sa sérénité demeurent entières. Un jour, d’une voix émue, il fait ses dernières recommandations à sa femme : « ma petite il faudra que tu ailles au bon Dieu, toi aussi. Tout est là, vois-tu ? Il faudra que tu te confesses et communies… »

Il est mort à genoux, en priant…

Et en ce beau matin de Pentecôte, alors que notre ami Bernard a promis d’accompagner à Notre Dame de la Garde, l’épouse qui veut se réconcilier et communier, on vient sonner chez lui, de grand matin. C’est elle… en pleurs. Oui… ce matin, à 4 heures. Il venait de recevoir les derniers sacrements, à genoux. Il est mort à genoux, en priant…

 

Et c’est ainsi qu’après avoir reçu, par Monsieur Bernard une bouffée de l’air céleste inspiré lors d’une retraite, cénacles modernes, où le Saint Esprit transforme encore les hommes, après avoir retrouvé lui aussi la paix, la joie, la certitude… c’est ainsi qu’Adolphe, l’homme aux idées avancées, Adolphe-le-Rouge est parti… L’air était tout vibrant déjà des cloches de la Pentecôte lorsqu’il partit… à genoux, comme un vaillant soldat du Christ-Roi, priant et bénissant Dieu. Alléluia !

P’tit brocanteur

LE PETIT BROCANTEUR Il avait 25 ans environ et exerçait l’état de brocanteur comme son père. Il achetait et revendait vieilles ferrailles et vieilles voitures. Il gagnait assez bien sa vie et pouvait sans trop de peine élever sa petite famille, sa vaillante jeune femme qui avait été institutrice et ses deux petites : l’aînée, deux ans ; la plus…

un athlète

Conversion d’un athlète Sa religion était le sport, l’éducation physique. Ancien instructeur de l’école de moniteurs de Joinville, bâti comme pas un, il n’avait qu’un Dieu : le sport ; qu’un culte : le muscle, le corps ; qu’un idéal : l’entraînement, la compétition, la performance.  Il avait assez bien réussi ; à 62 ans, il n’en paraissait pas 50…